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En 2021, nous avons invité Maria Soxbo, journaliste et auteure reconnue et récompensée, à nous aider à aborder la question de la durabilité de manière moderne et intéressante. Nous sommes convaincus que la prise de conscience constitue une première étape vers une réflexion et des actions à plus long terme. Les mots de Marie sur ce thème nous permettront, espérons-le, d’encourager à la fois la raison et l’action.
La cuisine : cœur de la maison ou marqueur de statut de notre temps ?
Peu de pièces jouent un rôle aussi central dans nos vies que la cuisine. C’est là que nous mangeons, aussi bien des flocons d’avoine et les tacos du vendredi que le dîner du Nouvel An avec une nappe dorée. C’est là que nous passons du temps ensemble autour d’un verre de vin, faisons les devoirs avec les enfants, cuisons des brioches à la cannelle et nettoyons la récolte de champignons d’automne. Lors d’une fête, comme à l’accoutumée, les invités finissent toujours tôt ou tard dans la cuisine, et la table qui y est dressée est souvent le lieu de rencontre préféré. Rien non plus ne signale autant la convivialité que les odeurs qui se dégagent du poêle.
Il faut manger pour vivre, et par conséquent la cuisine est et a toujours été au centre de nos maisons. Mais certaines choses ont néanmoins changé. Dans le passé, nous y faisions nos confitures, nos sirops et nos conserves pour profiter de nos matières premières plus longtemps. De nos jours, la cuisine est plutôt le lieu où l’on trie tous les emballages des aliments et des plats à emporter. Dans certaines cuisines, bien sûr, des plats fantastiques et des pâtisseries parfumées sont encore créés, mais de nos jours, le fait de consacrer de nombreuses heures à cuisiner et à préparer la nourriture est affaire de passion. Que l’intérêt fasse défaut et c’est le règne de la « cuisson rapide et facile ».
A la place, l’esthétique joue un rôle de plus en plus important au cœur de la maison. De nos jours, on parle beaucoup de la façon dont une cuisine doit être conçue pour être pratique, et a fortiori du choix des matériaux, des couleurs des portes, des appareils électroménagers cachés et des rangements ouverts. La cuisine est devenue le principal marqueur de statut de la maison – et donc la forme y précède souvent la fonction. Ce n’est plus une marque de statut d’avoir un évier en acier inoxydable facile d’entretien et presque impossible à user. Par contre, ce qui l’est, c’est d’avoir une cuisine enviable et somptueuse qui fait bonne figure dans le format d’image carré d’Instagram.
Les tendances en matière de cuisine sont de plus en plus éphémères et extrêmes. Les plans de travail en pierres délicates sensibles aux liquides et les luminaires somptueux au plafond qui projettent notre ombre sur la surface de travail sont plus la règle que l’exception. Nos cuisines doivent désormais représenter nos goûts personnels, et il n’est donc plus rare qu’une cuisine à peine utilisée soit démolie lorsque nous emménageons dans une nouvelle maison, simplement parce son apparence ne nous plait pas. Et le comble du point de vue climatique, c’est lorsque l’on rénove la cuisine pour augmenter la valeur de la maison avant de la revendre, et que les nouveaux propriétaires ne valident pas les travaux parce qu’ils ont d’autres préférences en matière de style.
On compte 13 cuisines usagées pour 1 nouvelle, en termes d’émissions – l’impact climatique est réduit de 92%. C’est encore mieux de repeindre la cuisine existante, l’impact sur le climat est alors réduit jusqu’à 97%. Certains choix relèvent d’une évolution du monde vers le développement durable, mais ne faut-il pas y voir une transformation encore plus radicale ?
La cuisine est le cœur de la maison. Le fin mot de l’histoire, ce ne sont ni des choix de matériaux somptueux, ni la couleur tendance de la saison. Bien plutôt, il s’agit de tout ce que la cuisine symbolise. Chaleur, sécurité, satiété. Des ingrédients que l’on transforme en un repas parfumé autour duquel nous pouvons nous rassembler. Des relations, des expériences gustatives et des souvenirs.
Et rien de tout cela ne nécessite un plan de travail en calcaire portugais délicat ou un refroidisseur à vin en acier inoxydable hors de prix. Au contraire, certains de mes meilleurs souvenirs culinaires sont faits de boîtes de pizza sur un sol poussiéreux lors d’un déménagement, de restes réchauffés après le retour à la maison de la maternité et d’un « petit-dîner » (petit-déjeuner pour le dîner) improvisé à la demande des enfants après un longue journée d’excursion.
Les brioches à la cannelle fraîchement cuites sont tout aussi bonnes dans la cuisine usée des années 1980 que dans son homologue flambant neuve des années 2020. Et si on reporte les rénovations jusqu’au jour où elles sont vraiment nécessaires, on aura à la fois plus de temps et d’argent à consacrer à ce qui compte vraiment. Les repas. Les fêtes. L’avenir.
Maria Soxbo est journaliste, autrice et co-fondatrice du Klimatklubben. Elle a abandonné ses activités de blogueuse en design d’intérieur pour devenir greenfluenceuse et inciter davantage de lecteurs à voir les avantages d’un mode de vie durable. Elle est convaincue que la plupart d’entre nous se sentirait mieux en vivant une vie respectueuse des ressources de la planète au lieu de vider notre portefeuille et de ruiner notre santé mentale dans la roue de hamster au rythme effréné dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Aux côtés d’Emma Sundh, elle anime également le podcast Plan B, qui parle de la beauté de la vie après ce changement de mentalité. Maria a écrit au total six livres sur le climat, la durabilité et le changement, seule et en collaboration avec d’autres, et s’est hissée à la 25e place du classement des 101 Suédois les plus influents en matière de durabilité en 2021.
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